23 Nov

Léonard de Vinci, la Cène ( deuxième partie )

Publié par Becker Marie-Jeanne - Catégories : #XVème siècle, #Léonard de Vinci, #Cène, #Renaissance

Détail Cène de Léonard de Vinci et buste de l'atelier d'Andrea Verrocchio

Léonard de Vinci (1452-1519), 1494-1498, la Cène, 460 cm x 880 cm, Milan, Santa Maria delle Grazie

deuxième partie

Le Dernier Repas du Christ avec ses douze apôtres appelé la Cène, cristallise le mystère chrétien car l'Eucharistie à la messe commémore ce moment où Jésus se donne totalement à ses disciples. C'est le moment phare de sa vie, précédé de son entrée à Jérusalem, suivit de son arrestation suivie de sa Passion jusqu'à la croix puis trois jours plus tard à sa résurrection.

La Cène comporte plusieurs moments évoqués par Léonard de Vinci : l'annonce de la trahison d'un des apôtres mais aussi l'esquisse de la consécration du pain et du vin. Pour augmenter la théâtralité et le suspens, le trait au visage obscurci, Judas Iscariot est assis entre les disciples dernière la même table, il est reconnaissable par la bourse qui est son attribut dans l'évangile de saint Jean. On remarque que sa main gauche s'apprête à saisir impunément un pain alors que le Christ étend les siennes vers un autre pain et un verre de vin pour symboliser la transsubstantiation.

Matthieu 26; 21-23 / 26-28
21 Pendant qu'ils mangeaient, il dit: Je vous le dis en vérité, l'un de vous me livrera. Ils furent profondément attristés, et chacun se mit à lui dire: Est-ce moi, Seigneur? Il répondit: Celui qui a mis avec moi la main dans le plat, c'est celui qui me livrera.
26 Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le donna aux disciples, en disant: Prenez, mangez, ceci est mon corps. Il prit ensuite une coupe; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant: Buvez-en tous; car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés.

Les émotions sont abondamment exprimées, Jésus fait cette déclaration à la tablé tandis que les disciples sont à la fois étonnés ou bien semble argumenter leur innocence. Léonard est un des premiers à avoir mis avec autant de fougue les interrogations des apôtres, et comme s'il s'agissait d'une représentation théâtrale il dépeint les émotions diverses des disciples par la gestuelle, les positions des corps. Vasari dans son écrit sur la vie de Léonard résume bien l'effet produit :

Les apôtres, pleins de curiosité, cherchent à deviner le coupable; tous les visages expriment l'amour, le trouble, l'indignation, et aussi la douleur de ne pas comprendre l'entière pensée du Christ. Et puis cet admirable contraste de Judas, cette figure haineuse et impassible du traître!

(Vasari Giorgio, "Vie de Léonard de Vinci", Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, André Chastel éd, Paris, Berger-Levrault, 1983 )

Une autre originalité est la distance entre l'apôtre Jean et Jésus alors que communément on le représente penché vers lui. Cependant pour augmenter l'interaction entre les personnages Léonard a choisi le moment où Pierre adresse une question à Jean.le caractère de chacun est mis en avant, Pierre tient déjà un couteau, prémices de l'arrestation de Jésus où il va couper l'oreille du serviteur du grand-prêtre. On remarque que seul Jean dans son évangile précise le nom de celui qui sortit son épée!

Néanmoins, la figure de Jean contraste avec celle des autres disciples agités : il a les traits apaisés, les yeux baissés et les mains jointes en signe de recueillement. Jean le disciple préféré de Jésus a quand même une proximité avec lui qui est plutôt spirituelle; c'est Jean, le seul apôtre qui suivit Jésus en compagnie des femmes jusqu'à la croix et qui écrit plus tard l'évangile la plus mystique d'où la quiétude représentée.

Chaque visage d'apôtre a sa singularité qui est recherchée par l'artiste, comme en témoignent les dessins des portraits conservés à Windsor. Mais c'est pour la figure du Christ qu'on peut imaginer la difficulté à trouver un visage humain correspondant. Léonard qui fit son apprentissage à Florence, c'est certainement inspiré du visage du Christ du groupe sculpturale de son maître, Andrea Verrocchio l'incrédulité de saint Thomas exposé dans la ville à Orsanmichele.

Atelier Verrocchio, Christ en buste copie de la tête du Christ dans l'incrédulité de saint Thomas d'Orsanmichele , Terre cuite, fin XVème siècle, Londres Victoria and Albert Museum