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peinture : une quête du vif. Quand je me rends compte de mes erreurs, j'aurais aimé me tromper sur le coup dans mes certitudes de sorte que ce que je pense être faux soit en réalité juste.

03 Jul

Marie Laurencin 1883-1956

Publié par Becker Marie-Jeanne  - Catégories :  #peinture XXème siècle, #Marie Laurencin, #autoportrait

Marie Laurencin 1883-1956

L’œuvre de Marie Laurencin reflète la quintessence de l'esprit féminine. Elle incarne en même temps : l’indépendance du style, la douce mélancolie des regards, le lyrisme des compositions, une dimension mystique incarnée et un modernisme inclassable.

Chose assez rare pour son époque : c'est une femme elle-même qui peint d'autres figures féminines, excepté les quelques portraits d'hommes qu'elle a côtoyée (Pablo Picasso, Jean Cocteau, Edward Wassermann, Marcel Jouhandeau...). De cela découle une quête d'elle même grâce à ses nombreux autoportraits qui jalonnent toute sa vie. Il serai faux de la juger narcissique avec intransigeance, car Marie Laurencin est avant tout une personnalité libre et forte dans une société où la réussite des hommes était nettement plus visible.

Elle née le 31 octobre 1883, d'un père qu'elle n'a pas connu, sa mère, une couturière Normande s'était installée à Paris en tant qu'employée de maison. Après l'obtention du baccalauréat, elle décide de faire un apprentissage artistique, en apprenant le dessin et en entrant dans un atelier de peinture sur porcelaine de Sèvres. Puis en 1904 elle passa à l'académie Hubert où elle rencontra un condisciple, Georges Braque qui l'emmena à Montmartre au Bateau-Lavoir, lieu de réunion de la jeunesse bohème. Marie réalisa plusieurs portraits groupés de ce nouveau cercle d'amis et Guillaume Apollinaire le poète est le centre de gravité des ces tableaux, ils deviennent amants passionnés de 1908 à 1913.

Plus bas vous trouverez un poème d'Apollinaire dédié à Marie, issu d'Alcools paru en 1913.

"L'amour de Guillaume pour Marie a été son vrai degré d'alcool" dira André Rouveyre. Sur le premier exemplaire paru d'Alcools qu'il choisit de réserver pour Marie, la dédicace autographe commence ainsi :

"Mon alambic, vos yeux ce sont mes ALCOOLS

Et votre voix m'enivre ainsi qu'une eau-de-vie

Des clartés d'astres saouls aux monstrueux faux-cols

Brûlaient votre ESPRIT sur ma nuit inassouvie.

(Flora Groult, Marie Laurencin, Paris, Mercure de France, 1987.)

Durant cette période d'effervescence à Paris, Picasso pose les bases cubisme : formes géométriques, absence de perspective...c'est une véritable révolution picturale, marquant l'art moderne.

L'autoportrait en bas à gauche est de Marie Laurencin, il date de 1908. On voit nettement l'influence cubiste de cette époque d’avant-guerre chez elle : formes épurées rondes, contours appuyés par des lignes cernées et aussi influence de l'art primitive cycladique pour la conception stylisée des visages. Les couleurs pastels font leur apparition et le caractère gracile de ses figures féminines transparait déjà.

Elle se marie en 1914 avec Otto von Wätjen, un baron allemand francophile, et à cause de la guerre ils vont passer cinq ans à travers l'Espagne entre Madrid, Barcelone ou Malaga. Là-bas elle est subjuguée par les œuvres de maîtres espagnols Diego Vélasquez (1599-1660) et Franscico Goya (1746-1828). Mais sa vie intime ne l'a comble pas, elle déplora son éloignement de ses amis, de sa patrie ; ils se séparent en 1921. Cependant, la mort de sa mère en 1913 et la distance avec sa vie parisienne durant la Première Guerre mondiale seront les événements catalyseurs d'un renouveau pictural. Marie s'éloigne des influences cubistes, les figures perdent leurs contours et les visages prennent des ombres pesantes, mélancoliques. Voici un poème qu'elle rédigea à Barcelone en 1915 qui montre clairement une forme de dépression réactionnelle chez elle.

Calmant

Plus qu'ennuyée, Triste

Plus que triste, Malheureuse

Plus que malheureuse, Souffrante

Plus que souffrante, Abandonnée

Plus qu’abandonné, Seule au monde

Plus que seule au monde, Exilée

Plus qu'exilée, Morte

Plus que morte, Oubliée.

L'artiste retourne alors à Paris où les Années folles battent leur plein ( jusqu'à la crisse économique de 1929 ), son style se fait plus léger et les corps sont emprunts d'une poésie dansante. Elle aura de nombreuses commandes, prolifiques dans cette société de divertissement , notamment pour des ballet ( rideau de scène du ballet Les Biches 1924, costumes et décor pour A quoi rêvent les jeunes filles d'Alfred de Musset 1932, illustrations aquarelles du livre d'Alexandre Dumas Camille 1936 etc...). La jeune domestique Suzanne Moreau entrée à son service en 1925 sera sa fille d'adoption officiellement en 1954 et petit à petit elle se recentre sur sa vie intérieur en fréquentant des couvents de religieuses, elle rencontrera par exemple, une peintre, la mère Geneviève Gallois chez les bénédictines Saint-Louis du Temple à l'abbaye de Limon en Seine-et-Oise. Marie Laurencin décède le huit juin à soixante-douze ans; selon sa volonté lors de sa dernière apparition elle sera vêtue de blanc, une rose à la main, les lettres de Guillaume Apollinaire sur son cœur.

Crépuscule

À Mademoiselle Marie Laurencin.

Frôlée par les ombres des morts
Sur l’herbe où le jour s’exténue
L’arlequine s’est mise nue
Et dans l’étang mire son corps

Un charlatan crépusculaire
Vante les tours que l’on va faire
Le ciel sans teinte est constellé
D’astres pâles comme du lait

Sur les tréteaux l’arlequin blême
Salue d’abord les spectateurs
Des sorciers venus de Bohême
Quelques fées et les enchanteurs

Ayant décroché une étoile
Il la manie à bras tendu
Tandis que des pieds un pendu
Sonne en mesure les cymbales

L’aveugle berce un bel enfant
La biche passe avec ses faons
Le nain regarde d’un air triste
Grandir l’arlequin trismégiste

Guillaume Apollinaire

image : photo en haut à gauche datée de 1925, l'autre 1924

autoportrait huile sur toile : en bas à gauche 1908 et en haut à droite 1927

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